Chester : pourquoi ce nom ?

CHESTER: "- C'est une vieille histoire qui tient de la private-joke! Lors d'une soirée un peu déjantée, un pote de fac m'a interpelé en me disant que je ressemblais au chat CHESTER (c'était son nom selon mon pote!) de l'histoire d'Alice au pays des merveilles à cause de ma grande bouche en forme de banane quand je souriais! Je n'ai pas contredit cette constatation (j'étais trop nigaud à ce moment-là!) et tout le monde a reconnu les faits dans l'assistance! Comme un pied de nez, j'ai gardé par la suite ce nom qu'on me prêtait, pour signer mes créations! Du coup c'est resté! Par contre j'y ai ajouté "le fourbe" pour brouiller les pistes! Ha ha!

Mais, renseignements pris par la suite, le chat ne s'appelle pas CHESTER ni dans la version anglo-saxonne ni dans la version française! Ce chat dans la version anglaise habite le comté du CHESHIRE (anciennement comté de Chester) et dans la version française il s'appelle CHAFOIN! Mon pote avait fait un amalgame! Mais c'est pas grave, j'ai gardé CHESTER! Ca le fait mieux pour l'international! Ha ha! En réalité je m'appelle Pierre Dupont."

BIN VOYONS...

BON. Quand as tu découvert que tu étais «punk» ? Comment as-tu attrapé ça, par qui et quand ?

CHESTER: "- C'était un vendredi soir à 5 heures avec le curé de la paroisse alors qu'il me sussurait des mots doux à l'oreille en m'enculant frénétiquement (et non pas hérétiquement!)!… Nan, je blague! Ha ha ha!… Pour être plus sérieux, je dirais qu'on ne découvre pas qu'on est "punk", on le devient petit à petit! Perso, j'habitais en province! A Parthenay dans les Deux-Sèvres, à 50 bornes de Poitiers pour être plus précis!… Bizarrement cette petite ville de province a été très réceptive à ce courant musical et il y avait plein de mecs et de nanas qui s'habillaient punk, qui écoutaient du punk et qui déliraient punk! Un petit mouvement de jeunesse à une échelle locale!

J'ai pas eu à me poser trop de questions en fait! Y'avait un disquaire dans le bled qui distillait la zique, y'a des "grands frères" (j'étais un jeune ado à ce moment là! C'était vers 1983!) qui montaient des groupes locaux! Puis ils se sont organisés en asso pour mettre en place des concerts (ils ont fait joué les TOY DOLLS à Parthenay en 1986, c'était inespéré comme plan pour moi! Et ils étaient assez potes avec BONDAGE RECORDS, MARSU et NUCLEAR DEVICE entre autres!)!

Par la suite, ils ont ouvert un bar (LE LATIN) et l'asso DIFF'ART a grave pris de l'ampleur! Je crois que l'asso est toujours vivante actuellement mais je retourne peu à Parthenay et j'ai un peu perdu le contact car les gens ont aussi changé dans l'asso!»

Mais revenons à ton adoubement keupon!

CHESTER: "- Ha ha! En fait j'ai suivi le mouvement car l'état d'esprit punk me convenait totalement! Par la suite, j'ai enrichi ma punkitude en découvrant les engagements socio-politiques, les théories anarchistes, la philosophie punk (lire à ce propos le bouquin de Craig O'HARA aux éditions RYTRUT), les différentes approches du mouvement autant musicales que vestimentaires ou capillaires!…

Le punk, c'est un grand fourre-tout à plein de niveaux!… D'où les polémiques stériles du style "je suis plus punk que toi!". Foutaise que ces polémiques à deux balles!… Il est clair qu'il n'est nul besoin d'avoir une crête sur la tête pour être punk (sinon tous les chauves l'auraient dans la baba! Ha ha!), il n'est pas nécessaire d'afficher des signes ostentatoires non plus, du style "épingle à nourrice" ou "pantalon à zips"! Je connais plein de gens qui sont plus punk que beaucoup de poseurs qui ont le look keupon! Perso, je chie dans tout ça! Ma punkitude est ce qu'elle est et elle n'appartient qu'à moi et je ne permettrai à personne de juger si elle est bien dans la ligne du parti! Tout comme je ne juge pas la punkitude des autres d'ailleurs! FUCK OFF! Ha ha!"

Tu es présenté comme étant un « dessinateur punk ». Quels sont LES ou TES codes dans le dessin dit «punk» ?

CHESTER: "- Houla! Tu me fais peur avec une question comme celle-ci! C'est pile-poil le genre de question casse-gueule dans lequel on se vautre dans le cliché et la mièvrerie! J'ai pas vraiment envie de définir quoi que ce soit en fait! Ma sensibilité, et donc mes créations, sont imprégnées de ma façon d'être et de vivre, c'est tout! Le reste n'est que littérature! Mais bon...

Mon identité est assimilée à celle d'un mec qui transpire la punkitude et donc quand on regarde mes créations on ne peut s'en détacher par l'esprit, mais c'est parfois à tort! J'aime brouiller les pistes (remember: CHESTER le fourbe). Je n'aime pas l'idée d'être monolithique, j'aime penser que je suis plusieurs à la fois («Je» est un autre), sans pour autant perdre ma cohérence existentielle!

Y'a peut-être un peu de schizophrénie là-dessous mais je l'assume et je la gère! Petit, je rêvais d'avoir plusieurs vies comme la légende qu'on prête aux chats! Mais c'était un rêve de gosse! Et puis c'est pas facile à gérer tous les jours; déjà entre Pierre Dupont et CHESTER, c'est pas toujours facile à équilibrer, alors t'as qu'à voir…! Ha ha!

Mais pour ne pas complètement évincer ta question, je dirais qu'il y a peut-être quelques codes qui existent dans le dessin dit « punk » quand même! Et en fait ils se situent à plusieurs niveaux! Sur le plan graphique, ce sont les mêmes que ceux qu'on peut observer dans la tribu punk (fringues, coiffures, godasses pour les personnages, et déglingue rock'n'roll pour le décorum).»

Et sur le plan narratif ?

CHESTER: « - c'est plus fin et peut-être moins "cliché"! On parlera plus de provocation, de bouleversement de l'ordre établi et des normes socio-politiques! La narration peut caresser les tabous pour mettre les lecteurs (en BD s'entend!) au pied du mur afin d'appréhender différemment les idées reçues!

A mon avis, être punk, c'est avoir envie de révolutionner le fonctionnement humain! Changer les choses car elles ne sont pas ce qu'elles devraient être! Mais je préfère m'arrêter là car je vais m'enflammer avec mes vieilles utopies que je traine depuis un paquet d'années! Ha ha! Et puis, je suis profondément cartésien, alors le doute m'habite sans cesse! Ha ha! La vie est une dure lutte! Ha ha! »

Si tu devais présenter la mouvance punk a quelqu’un ou quelqu’une qui n’ a aucune référence en la matière, que choisirais tu de lui montrer ou de lui faire écouter ?

CHESTER: « - Les SEX PISTOLS et les CLASH en premier! Puis je lui ferai écouter du BLACK FLAG et du EXPLOITED pour lui montrer d'autres voies qui ont suivi musicalement! Les TOY DOLLS bien sur (c'est mon groupe punk rock préféré!), les BxN (avant la réformation des années 2000), les LUDWIG VON 88, CRASS, LES CADAVRES, LES SALES MAJESTES, CONFLICT, HEYOKA, GUERILLA POUBELLE, LES RAMONES, DIRTY FONZY et tant d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit et qu'on va me reprocher de ne pas citer! Enfin, je démontrerai que la scène est plurielle et qu'il n'y a pas qu'un son et qu'une pensée unique! C'est aussi ce qui me plait dans la punkitude! Le matin je peux me réveiller en écoutant GREEN DAY et me coucher en écoutant THE STOOGES! C'est ça qu'est fun! Hé hé! Par contre mes idées politiques et sociales restent les mêmes du soir au matin et du matin au soir quant à elles! »

Et sur le plan visuel ?

CHESTER: "- Je lui montrerai plutôt des fanzines! Je trouve que les zines ont ce côté épidermique et palpable qui sied à la punkitude (tout dans l'affectif en somme!)! Les vidéos d'époque, je trouve ça plus ou moins percutant, ça a mal vieilli souvent! Et puis au départ le mouvement punk était assez confidentiel quand tu y regardes de plus près! Je préfère le côté fantasmatique du papier d'époque à la peliculle! Quand je vais à la fanzino de Poitiers et que j'ai entre les mains un zine de 1984, je ressens presque les vibrations des mecs qui l'ont fait à ce moment-là et je kiffe! Y'a un truc magique qui ne passe pas de la même façon par l'écran (qu'ils soit numérique ou télévisuel!).

Néanmoins y'a de bons films à voir tout de même! Je me suis rematté "THE FUTURE IS UNWRITTEN" dernièrement et je le trouve vraiment pas mal fait! J'ai un souvenir plus critique de "LA GRANDE ESCROQUERIE DU ROCK'N'ROLL" et pire pour des films comme "SID and NANCY" par contre! »

Est-ce que porter la crête comme tu le fais n’est pas un signe ostentatoire de ton appartenance à une «religion» ou une idéologie ? Ne crains-tu pas que le gouvernement lance une «fatoua» contre tes semblables ?

CHESTER: "- Je contacterai la HALDE! Ha ha!... Sincèrement, c'est le dernier de mes soucis! D'ailleurs, je n'ai pas toujours la crête! L'hiver je laisse pousser tout ça parce que sinon mon cerveau gèle! Ha ha! Mais il est clair que la crête est un signal fort envoyé à mes contemporains sur le plan capillaire! Ha ha! C'est une façon de se différencier et de se singulariser! C'est pour dire: "Je ne suis définitivement pas dans la norme!". Mais c'est pas une obligation pour être punk!

C'est juste un acte capillaire que je pose et que j'assume! Mes enfants l'assument moins et ma femme encore moins d'ailleurs! Quand j'ai la crête je suis un peu le paria de la famille! Mais je m'en tape! Ils se construisent avec ça et basta! Mes enfants diront plus tard qu'ils avaient peut-être honte quand je venais les chercher à la sortie de l'école et bien tant pis! J'assume! Je dois être profondément égoïste en fait! Ha ha!

Quand au gouvernement, qu'il continue à nous abreuver de lois iniques et de manipulations machiavéliques et les moutons seront bien gardés! »

No punk, no fun ?

CHESTER: "- Non! Par contre: NO SEX, NO FUN!"

Futur ou no future ?

CHESTER: "- Là je ferais moins le malin! En fait, je suis profondément pessimiste, mais j'aspire à l'optimisme! Va comprendre!?!… La dualité qui rugit au plus profond de moi ne peut me donner de réponse à une telle question!"

Tes parents t’ont apparemment appris à bien parler, mais ne t’ont-ils pas averti (quand t’étais jeune), que la « période rock » c’est que pour les adolescents rebelles et qu’elle ne dure que tant qu’on est un gamin ?

CHESTER: "- Ha ha ha! J'dois être un attardé mental parce que ça fait un moment que ça dure et c'est pas demain la veille que ça va changer! A bientôt 44 ans, je suis un éternel ado! Plus ado que mon fils ainé qui va avoir 17 ans! Il est plus sérieux que moi! Il bosse bien au lycée, il ne fume pas, ne boit pas d'alcool, ne crie pas "révolution et anarchie" à tout bout de champs comme je le faisais à son âge! Il est comme je n'étais pas!

J'ai l'impression qu'on n'est pas en phase bien souvent! Mais je respecte son parcours et ses choix, même si il me demande bien souvent de baisser le volume de ma musique à la maison!... C'est un monde tout de même! Avant c'était mes parents qui me demandaient ça, maintenant ce sont mes gamins! Ca tient presque du harcèlement familial! Ha ha ha!"

A plusieurs reprises, je t’ai entendu dire que tu ne te sentais pas fortiche comme scénariste : t’en connais beaucoup qui sont bons au scénar et au dessin en même temps ?

CHESTER: "- Oui! FRANK MARGERIN est très bon narrateur! Graphiquement je lui ai beaucoup emprunté, mais malheureusement j'ai pas choppé le truc narratif de FRANK! Shit! Je trouve que MO/CDM est très très bon aussi! Et je ne dis pas ça parce que ce sont des potes! Ils sont objectivement bons, un point c'est tout! Et il y en a pas mal d'autres!

Perso, j'ai décidé de m'associer à un scénariste et j'espère que bientôt on pourra vous montrer ce qu'on a imaginé! Hé hé! "

Si le mouvement «punk» n’avait pas existé, qu’aurais tu choisi comme autre courant pour t’exprimer ?

CHESTER: "- Honnêtement, j'en sais foutre rien! Le truc, c'est que je me suis laissé porter par la vie pendant toute ma jeunesse comme beaucoup d'autres d'ailleurs! J'étais plus spectateur de ma vie qu'acteur! Le mouvement punk est passé par-là au moment où j'avais besoin de me rallier à quelque chose pour trouver ma place dans la société humaine! Mais je serais né 10 ou 20 ans plus tard, ça aurait été le rap ou le métal! Va savoir!?!

Il est clair qu'étant un peu extrémiste dans mes prises de position et ma façon d'être, je n'ai pas été tenté par le disco (mouvement à la mode quasiment en même temps que le punk!). Mais bon… Les chemins pris par tel ou telle personne ne sont pas que des choix conscients et responsables à chaque fois! On se laisse porter parfois, et c'est assez plaisant quand ça n'est pas douloureux! Ha ha!

Je pense que ce sont plus les courants qui nous emportent et qui nous façonnent que le contraire! Pour ma part, j'étais façonnable au moment où le punk a éclos et tout s'est enchainé, faut pas chercher plus loin! Ce serait prétentieux de ma part de laisser croire le contraire!"

COMME TU ME LE DISAIS, T’ES DONC Toujours aussi fan des Toy Dolls ?

CHESTER: "- A fond! Plus que jamais! Je les ai revus fin juillet 2009 au festival du Pont du Rock à Malestroit près de Rennes et c'était mortel, et j'ai même causé avec OLGA (enfin comme il est super timide, c'est plus moi qui ait causé! Ha ha!)! Et je les ai revus en octobre à la Cigalle à Paris et c'était encore mieux (même si c'était trop court comme set à mon goût!). Et les TOY DOLLS sont un des rares groupes où je monte encore sur scène pendant le concert pour slammer dans le public! Mais attention, je ne slamme pas comme Grand Corps Malade malgré mon grand âge! Ha ha ha! Je slamme comme les d'jeun's et même que je perds plein de trucs qui tombent de mes poches en sautant dans la fosse! Ha ha!"

J’ai trouvé une page CHESTER sur Wikipédia… C’est le début de la célébrité (hé !hé !) ?

CHESTER: "- J'suis pas au courant!… Mais si j'ai bien compris la mécanique de cette encyclopédie numérique interactive, n'importe qui peut aller poser un article sur n'importe quoi! Alors rien ne m'étonne! En tous les cas, ce n'est pas moi qui ait fait mon auto-pub, je le jure sur ma tête!

Quant à la notoriété, c'est pas toujours un cadeau! Des fois ça t'offre de chouettes rencontres et des fois tu tombes sur des relous! Mais je ne vais pas t'apprendre ça puisque DDD est maintenant un label qui a aussi sa petite notoriété! Tu noteras que je préfère parler de notoriété plutôt que de célébrité, car ce dernier mot me débecte! surtout depuis des conneries télévisuelles comme LA FERME CELEBRITES!"

La publication «MY WAY» est finie, en revanche «SPEEDBALL» est en pleine bourre, et tous les 2 sont des projets collectifs. T’as pas envie parfois de la jouer perso avec un projet rien qu’à toi ?

CHESTER: "- Si si! T'inquiète, j'y pense et j'y travaille même! Mais chut, c'est encore trop jeune pour en causer!"

Quelle est ta place dans la boite d’édition nommée «Valice Production Editions» ? Peux tu nous la présenter ?

CHESTER: "- Je suis juste un auteur parmi d'autres! Je ne suis pas au bureau de l'asso! Je coordonne juste les projets car c'est un de mes kiffs! J'aime organiser, rassembler les gens pour des actions communes! J'aime penser que je fais aussi vivre le mouvement par mes actes! Le mouvement alternatif des années 80 en France m'a appris qu'il ne fallait pas attendre que les autres fassent des choses à notre place pour que ça existe! DO IT YOURSELF! That's my way!

Du coup, après avoir fait des zines photocopiés dans les années 80 et au début des années 90, j'ai décidé d'officialiser le bouzin en créant une asso avec des ami(e)s et en donnant un statut administratif et légal à notre cadre d'action. VALICE PROD était née! Cette association m'a permis d'éditer des factures pour des prestations graphiques, de donner des cours de BD à des gens en atelier, de monter des expos, de publier des comix, de percevoir des subventions à certains moments, etc! C'est purement administratif, mais c'est ainsi que cette pute de société conçoit les choses! Alors plutôt que de gueuler dans le désert, j'ai domestiqué le mammouth et j'en ai profité! Voilà toute l'histoire monsieur le commissaire!"

Chaque année, depuis bien longtemps, tu vas user tes fonds de culotte à Angoulême : mais qu’est ce qu’il y a de si bien dans ce fichu festival ? C’est un passage obligé ?

CHESTER: "- Mon cul oui! Y'a rien de bien dans cette foire commerciale à la BD en dehors du fait qu'on donne une visibilité plus large à nos créations! Mais le festival n'a pas toujours été comme ça (tu te rappelles? On s'y croisait début années 90?!?)!

J'y vais depuis environ 20 ans et ça a largement évolué dans un sens qui n'est pas très honorable! Les marchands ont phagocyté l'esprit initié par les créateurs de l'évènement! Ils sont loin les temps où REISER était président du salon (car avant d'être un festival BD, c'était un salon BD!). Finies les teufs à n'en plus finir où tu picolais sans t'occuper si c'était CHORON, SCHLINGO, VUILLEMIN ou le dernier des fanzineux qui trinquait avec toi! Maintenant c'est "hype et people à l'hôtel Mercure" et pognon qui pourrit tout à tous les étages! Même l'espace "fanzine" où on a un stand est plus qu'aseptisé! Heureusement qu'on s'amuse encore entre nous au stand avec les gens qui viennent nous voir parce que sinon on n'y viendrait plus! Et puis je dois t'avouer qu'on vend plein de MY WAY et de SPEEDBALL là-bas, ça motive!"

Ton aventure au sein du milieu «fanzinesque» est-elle aujourd’hui aussi excitante que dans les années 80 ou 90 ? Qu’est ce qui a changé ?

CHESTER: "- Elle est différente! Ni mieux ni moins bien, juste différente! Maintenant, je suis contacté par des gens qui veulent monter des zines et qui me demandent des conseils! Je trouve ça gratifiant et intéressant! La roue tourne et le mouvement est en marche! C'est ça qui me motive et me stimule! J'aime transmettre et partager! J'aime penser que ma vie n'aura pas servi à rien ou pire à des trucs inavouables ou inhumains! Je n'ai que peu de foi en l'Homme et en son devenir! Je n'ai que peu de foi en moi (rappelle-toi mon côté cartésien!) et bien souvent je ne m'apprécie pas moi-même, mais je veux persister à croire que mon mode de pensée peut être erroné et que l'Homme vaut peut-être le coup qu'on pousse son aventure plus loin! Alors je donne ce qui me semble être le meilleur de moi-même en transmettant ce que je sais faire et en ayant la prétention de croire que c'est bon pour l'humanité! C'est aussi naïf que ça!"

Avec le collectif Humungus, tu sillonnes la France pour peindre des fresques dans les festoches et rencontres rock. Ca t’apporte quoi ce mode d’expression ?

CHESTER: "- Ca m'apporte plein de choses! Le contact avec le public, le kiff de peindre avec mes potes, la mise en danger graphique à chaque fois (car on rate des fois! Ha ha!) et aussi la sensation de vivre une aventure comme un groupe musical! C'est une revanche pour nous qui ne sommes pas musiciens! Et ça nous donne une vraie légitimité dans le mouvement punk! Ha ha!"

Le nom « Humungus » fait référence à l’univers de Mad Max. C’est un film qui t’a personnellement marqué ?

CHESTER: "- Pourquoi? Pas toi?… Au sein du collectif Humungus on a tous kiffé "MAD MAX 2"! On se balançait souvent à la face les monologues du film pendant les fresques avant de se nommer ainsi! Du coup, on a décidé de s'appeler comme ça! Mais il n'y a pas que les monologues de ce film qu'on se balançait à la face! "C'est arrivé près de chez vous" en est un autre, ainsi que "L'exorciste", "Star wars" et d'autres.

Mais il est vrai que l'ambiance apocalyptique qui plane dans "MAD MAX 2" nous plait assez! D'où notre référence à ce film dans notre nom!"

Peux tu nous présenter les éléments qui composent le collectif Humungus ? Quels sont les critères de sélection pour entrer dans le cercle Humungus ?

CHESTER: "- Le noyau dur a été constitué par CHA, SLO, MELVIN et moi à la base en juillet 2006! Sont venus s'y ajouter JESS X, KRAWETT, MEKA, TIRIWURST et ISHA par la suite. ISHA et MEKA sont partis et LN et LOUNA nous ont rejoints! Nous sommes donc 9 actuellement!

Pour rentrer dans le collectif, il faut être adoubé par l'intégralité des membres, autant sur le plan graphique que sur le plan affectif! Les postulants éventuels ne sont pas obligés de faire du sexe avec les autres membres du collectif (Ha ha!), mais ils doivent remplir certaines conditions humaines et spirituelles pour se fondre dans la masse! Ils doivent aussi mettre de côté leur égo tout en gardant leur individualité! Le collectif est fait de personnalités (au sens caractériel du terme!) qui doivent se contrôler pour permettre à l'entité globale de s'exprimer sans mettre tel ou telle en avant plus que les autres! C'est le postulat!"

La publication nommée « SPEEDBALL » est-elle la vitrine officielle du collectif Humungus ?

CHESTER: "- Oui, avec le site bien sur! Dont je rappelle l'adresse: http://collectifhumungus.free.fr. Mais dans SPEEDBALL, chacun développe sa propre pratique sans forcément chercher une cohérence graphique ou narrative avec les autres auteurs! On a carte blanche pour faire ce qu'on veut alors que ce n'est pas le cas sur les fresques!"

Si je te dis « Eric BOUCHER », tu penses « William Kramps » (Ludwig Von 88) ou Dead Kennedys ?

CHESTER: "- DEAD KENNEDYS bien sur! C'est JELLO BIAFRA! Et je sais pourquoi tu me parles de ça! C'est pour me faire jacter sur le projet de bouquin sur les paroles des chansons auquel je participe en tant qu'illustrateur avec plein d'autres créateurs (dont tu fais aussi partie!)! Mais j'ai pour principe de ne pas m'étendre trop sur les projets en cours, parce que tant que c'est pas abouti et publié, c'est que dalle! Si je devais te parler de tous les projets que j'ai dans ma besace, on n'aurait pas assez d'un "BEURRE NOIR" pour en venir à bout! Ha ha!"

A propos des LV88, tu m’as dit un jour toute ton admiration pour ce groupe. Tu peux nous en reparler un peu ?

CHESTER: "- Mon admiration, faut pas exagérer non plus! Ha ha ha!… Non, c'est vrai que j'apprécie beaucoup ce groupe et encore plus maintenant avec le recul des années! KARIM (le chanteur) est un mec vraiment cultivé avec un humour comme j'aime! Il est un savant mélange de désespérance, d'engagement politique, de non-sens, de débilité et de prise de conscience sur fond d'humour! Les textes des chansons n'en sont pas toujours le reflet, mais il y avait une vraie auto-dérision qui fait plaisir à écouter encore de nos jours! Il ne s'est jamais pris au sérieux et il n'a jamais pris au sérieux le mouvement punk! J'aime cette mise en abîme! J'apprécie cet aspect auto-critique qui ne pose pas les LV 88 en maitre à penser d'un mouvement! Ce qui n'était pas le cas des Bérus en fin de compte! Les LV 88 étaient présentés comme les petits frères des BxN, mais maintenant je trouve qu'ils les surpassaient à bien des niveaux! Mais en même temps, s'il n'y avait pas eu les BxN, il n'y aurait pas eu les LV 88! Et finalement, l'Histoire a plus retenu les BxN, y'a pas d'justice ma brave dame! Ha ha ha!"

Tu le sais peut-être, Goéland m’a piqué – au moins – une illustration. T’en penses quoi de ce genre de malversation ?

CHESTER: "- J'en pense que de la merde! Parce qu'après tout, on est en plein dans le capitalisme avec des boites comme le Goëland! Donc ils appliquent des méthodes de crevards, c'est dans la logique du capitalisme! J'ai fourni des dessins à cette société quand elle n'était encore qu'une association, et ils m'ont aussi fait un sale plan, alors depuis je ne veux plus bosser avec eux!... Et dire qu'ils se sont dits punks alternatifs à une époque! Bonjour l'alternative! Pffffff…"

Tout à l’heure, j’ai entendu sur une grande radio nationale, un animateur dire que le rock et la drogue était forcément associés. T’es d’accord ?

CHESTER: "- A ton avis? Ha ha ha ha ha!... J'suis d'la vieille école! Celle qui n'est pas politiquement correct!... T'en tire les conclusions que tu veux! Hé hé!... Néanmoins je ne fais aucun prosélytisme, j'ai enterré trop de potes qui n'ont pas su s'en tenir à l'aspect récréatif de tels ou tels produits! Toute addiction me semble un danger et on doit autant que possible s'en préserver! Voilà pour la morale! Ha ha! Il fallait que ce fut dit, même si je ne suis pas un exemple dans le domaine de la sobriété! Hum!"

C’est bien vrai que tu travailles aussi pour des centres sociaux et des journaux municipaux dans ta région de l'Essonne ?

CHESTER: "- Oui, mais c'est plus Pierre Dupont qui oeuvre dans ces cas-là, et là on est dans une interview de CHESTER! Ha ha! Néanmoins, ça rapporte plus que les dessins punks, qu'on se le tienne pour dit!!"

J’ai appris que tu fais aussi des conférences. C’est nouveau comme activité ? Tu leur parles de quoi ?

CHESTER: "- C'est exact! Je développe sur environ deux heures le propos que j'exprimais en 3 pages dans le dernier numéro du magazine "PUNK RAWK" (avant le dépôt de bilan du mag).

Je propose ma vision non hexaustive des connections entre graphisme et rock'n'roll! Je pars des années 60 aux USA pour arriver aux années 60 en France et finir jusqu'à nos jours! J'illustre mon propos avec moult exemples d'archives personnelles (livres, affiches, tee-shirts, pochettes de disques, zines, sérigraphies, etc) et je suis toujours étonné par le nombre de gens qui viennent m'écouter raconter mes salades! Ha ha! Mais c'est kiffant aussi! Par contre, je le fais en médiathèque et pas ailleurs parce que c'est quand même un truc didactique d'intellos de merde! Ha ha!"

Fanzines, Valice productions, tu fais aussi des pochettes d’album, t’es ludothécaire le jour, t’as des expos qui tournent, tu donnes des cours de dessin le soir,… Tu fais quoi de tout ton temps libre : tu fais du sport, tu passes la tondeuse ou tu laves ta merco ?

CHESTER: "- Je dessine, je m'occupe de la gestion de la famille et de la maison avec ma femme, je cuisine, je joue, j'aime, j'écoute de la musique, je vis quoi! Par contre, c'est clair que je ne fais pas trop de sport, ma bagnole est dégueulasse (autant dehors que dedans d'ailleurs) et la tondeuse je la laisse à mes gamins (ils sont ados, donc en âge de nous aider, et en plus ils kiffent de la passer!)!"

A bientôt 44 ans, tu t’imagines comment dans 10, 20 ou 30 ans ? Punk un jour, Punk toujours ?

CHESTER: "- Je ne me pose pas ce genre de question en fait! J'essaie juste d'être intègre et cohérent au quotidien avec ce que je pense et ce que j'ai déjà mis en place sur le plan existentiel! Je ne fais pas trop de plan à très long terme parce que je sais que la vie est fragile et que je peux mourir demain (La mort est une préoccupation permanente chez moi! Plus celle de ceux que j'aime que la mienne d'ailleurs!).

Je n'ai pas peur de mourir parce qu'en naissant on est poussé inexorablement vers cette fin, et je l'imagine plus comme une délivrance qu'autre chose! Mais les conneries style "punk un jour, punk toujours!" c'est pas pour moi!

Y'a trois ans, en discutant avec MOËBIUS au festival d'Angoulême (putain comment j’me la pête! j’ connait MOËBIUS!… Et alors?!? Pas toi? Ha ha!), il me lance: "En fait, vous les punks, vous êtes un peu comme les zazous des années 40!".

J'ai beaucoup réfléchi à cette phrase lors d'une de mes nombreuses séances de méditation transcendantale (Hey! Je blague là! Ha ha!) et j'en suis arrivé à cette conclusion: "Punk, zazou ou quoique ce soit, on est peu de chose! Ha ha ha!"

Penses-tu que la relève est assurée ? Et si oui, par qui ?

CHESTER: "- Oui! Et par des gens très talentueux en plus! Rappelle-toi: la roue tourne! Les aigris deviennent poussière et le temps passe inexorablement! Les choses évoluent et tant que la race humaine n'est pas éteinte il y aura toujours de la création! Et parfois de la bonne création même! Restons vigilants et ouverts d'esprit tout en combattant la bêtise humaine (et y'a du boulot!)!"


(Propos échangés entre DDD et CHESTER fin mars 2010)