Interviou de PariA parue dans le fanzine CAFZIC



DDD : Comment commence ton « parcours rock » ?
PariA : Et bien ca remonte à loin... A la fin des années 80 j'ai fait un petit label (Raoul Productions) qui faisait des lives pirates de qualité plus ou moins variable. C'était fait avec les moyens du bord - un ptit magneto k7 - et dupliqué avec un ghetto blaster double k7. J'ai d'ailleurs toujours en projet de numériser les enregistrements qu'il me reste pour les proposer sur un site internet, mais bon, faut pas s'attendre à grand chose coté qualité sonore.

Et quelles ont été tes premières victimes ?
PariA : Y'a eu : Conflict, Coche Bomba, Tromatism, Condense, Deep Turtle, Zarbi Band... et des groupes carrément plus mainstream comme Assassin, Treponem Pal, IAM... bref un beau panorama de tout ce que j'écoutais à l'époque !

T’étais un peu sur la route aussi ?
PariA : Un peu, mais ca dépassait rarement les frontières régionales... je me suis même improvisé "roadie" pour les copains du groupe "Extreme Onction" (Lyon), où je les ai accompagnés sur pas mal de plans foireux sur leurs dernières années d'existence : de grands moments de punk rock et de rigolades !

Tu as aussi fait de la radio à la même époque
PariA : Oui. Dans la même foulée, j'allais squatter le dimanche soir à Radio Brume (radio étudiante à Lyon) où Rose et Guillemette animaient la célébrissime émission "des chips et du rock". Puis petit à petit, ils m'ont laissé un peu de place dans les 2h d'émission et au final je me suis retrouvé à animer tout seul l'émission quand ceux-ci sont partis de Lyon. Le rythme était un peu rude à tenir tout seul, du coup l'émission s'est arrêtée un ou deux ans après. Pour quelques années plus tard revenir avec une émission d'une heure en semaine. Elle s'appellait alors « PariA », pseudo que j'ai commencé à utiliser dans mes diverses correspondances et propagandes et que j'ai gardé depuis... La prog musicale tournait un peu en rond, par contre j'essayais de proposer régulièrement des interviews d'assos, de collectifs locaux et aussi de proposer des lives inédits ou rares en 2e partie d'émission.

Tu as du te méler à l’organisation de concerts, non ?
PariA : Quelques uns, j'ai un peu aidé à l'organisation de concerts sur Lyon (dans les derniers temps du Wolnitza) et j'étais également investi dans quelques collectifs sur des lieux autogérés, essentiellement à la cuisine car c'est un truc que je kiffe bien. C'était l'époque où la Croix Rousse à Lyon fourmillait d'espaces collectifs, de squatts, d'un gros tissu d'activistes et de militants sur un même arrondissement... C'est d'ailleurs là que j'ai croisé la première fois Loran, puisqu'il trainait régulièrement sur les pentes. J'ai un super souvenir d'ailleurs à propos d'un beau festoche intersquatt qui avait été terrible. Puis avec l'arrivée d'internet, je me suis naturellement intéressé à ce qui existait sur un des groupes qui a le plus influencé ma vie et ma façon de voir les choses, Bérurier Noir, et j'ai donc tout naturellement rejoint Bob le homard qui avait déjà fait un site assez complet sur le sujet.

Mais tu ne t’es pas contenté de bosser que sur ce projet ?
PariA : Non. J'ai aussi apporté une aide technique et bénévole à pas mal de groupes qui galéraient sur le web en réalisant, plus ou moins rapidement des sites (Kochise, Brigada Flores Magon...). Avec le retour des Bérus en 2003, je me retrouve en train de pondre le site "officiel" du groupe - à leur demande - et à assurer le coté "propagande" sur le web. Et de fil en aiguille, en 2004, avec le lancement du label "Folklore de la Zone Mondiale", je rejoins officiellement la tribu où je mets mes compétences diverses et variées au service du collectif, avec pour objectif final d'arriver à mettre en place une autodistribution pour les groupes du label via un site internet.

Et financièrement, c’était viable ?
PariA : C'était ultra tendu, d'ailleurs la partie économique fait qu'en 2007 on se retrouve à devoir arrêter officiellement FZM avant d'arriver à une situation trop critique.
Il faut bien avoir conscience que durant ces 3 années, Bérurier Noir a financé à perte toutes les sorties du label et que quasiment aucune prod n'a pu atteindre l'équilibre budgétaire. Je dirais en guise de micro analyse, qu'on était pas forcément sur la même longueur d'onde niveau fonctionnement : pour ou contre la promo, choix des méthodes d'enregistrement et de mastering, pour ou contre la grande distrib, choix artistiques,… et qu'évidemment ça a donné un beau chaos au bout du compte. Un chaos avec de belles choses tout de même au bilan, mais on est aller trop vite et on a pas su prendre le minimum de recul qu'il aurait fallu pour rendre l'aventure viable à long terme. Du coup, en 2007, avec Alexis qui bossait avec moi sur la partie distro de FZM depuis 2005, on a proposé de poursuivre indépendamment (mais avec l'accord des Bérus) la partie distribution sous forme de scop – coopérative-, tout simplement sous le nom de "La Distro".
Le catalogue s'est donc bien élargi au-delà de FZM et on essaye de proposer des choses qui ont une cohérence dans la contre-culture et des manières alternatives de faire. Aujourd'hui, La Distro c'est une coopérative avec 3 personnes qui y travaillent et un gros catalogue d'environ 500 CD, 250 vinyls, des bouquins, des dvd, des fanzines, des semences anciennes bio, des produits vegan... Le tout à des prix le plus correct possible, parfois même à prix libre !
En parallèle, Loran continue le travail d'édition avec son assoce "Lorspider" et produit des disques qui sont en quelque sorte la 2ème génération du Folklore de la Zone Mondiale : le logo du label continue d'apparaître sur les pochettes.

FZM était-il un label comme les autres et quelle y était exactement ta fonction ?
PariA : Non, FZM n'était pas vraiment un label comme les autres, puisqu'on ne calculait pas vraiment si les projets étaient rentables. Et cette manière de voir, de faire, sans calcul ni intérêt, m'a bien plu, même si c'est cela qui a mis un point final à l'aventure. En y réfléchissant parfois, je me dis, qu'en allant moins vite, en prenant le temps d'analyser, de réfléchir, de s'écouter et d'accorder nos violons, on aurait pu éviter certaines erreurs, mais du coup, tout ceci aurait été moins spontané...

Comment s’effectuaient vos choix ?
PariA : L'idée c'était que chacun dans le collectif qui formait le label - Francois, Loran, Masto, Gilles et moi - pouvait apporter un projet. Du coup, ca a donné un catalogue super hétéroclite, parfois sans lien évident, si ce n'est que tout les groupes produits, on les connaissait humainement, on les avait vus en concert et donc on avait déjà un bon contact avec eux et que tout ce beau monde se retrouvait sous une espèce de grande bannière anti majors-compagnies et complètement indépendante, en résistance au système établi de la music-bizness...

Tu t’y retrouvais là-dedans ?

PariA : Pas à 100%, mais de mon coté, j'ai aussi proposé quelques projets de co-productions avec pas mal de labels copains - Maloka, Fight For Your Mind, Créations du Crâne...- et plus axés sur des groupes internationaux. C'était aussi et surtout des gros coups de pouce pour compléter les budgets de fabrication des disques, une manière d'aider une partie de la scène en quelque sorte... Par ailleurs, tout du long, j'ai filé des coups de main à l'administratif, j'étais de toutes les réunions de gestion, j'assurais la distro via le site, la propagande imprimée et virtuelle, je m'occupais des aspects techniques, des relations avec les fabricants et avec les gens tout simplement. Bref, j'ai pas vraiment chômé!

Quelle est encore aujourd’hui la différence entre le label FZM et le site FZM?

PariA : Le site FZM est un reflet de l'activité du label. Aujourd'hui que la structure a été dissoute, on continue de proposer un lien sur La Distro - ne serait ce que pour ceux qui veulent récupérer les disques du label à prix alternatif - ainsi qu'un lien sur un blog qui prolonge "l'esprit de résistance" en proposant infos et textes en rapport avec les groupes du label et l'actualité. Il est principalement alimenté par Loran et moi-même. Le site Bérurier Noir devrait également revoir le jour très prochainement, quelques petits soucis techniques à finaliser. Il sera alimenté en archives irrégulièrement par François et moi.

Mais quelle était la différence avec tous les autres labels rock ? Comment fonctionnait le label FZM, qui tirait les ficelles de tout ça ?

PariA : La structure du label était une SARL gérée par les 3 Bérus, mais dans les faits, ça a toujours été un truc géré en concertation entre les 5 protagonistes cités plus haut. Au niveau des différences notables, on s'est toujours posé des questions autour de la distribution et de la promotion à chaque sortie. Il y a une espèce de manière de faire qui semble incontournable aujourd'hui pour sortir un disque, et qui à nous, nous posait des soucis d'éthique et de démarche. Si tu sors un disque dans la grande distrib, tu te fais manger économiquement - genre tu récupères 30% du prix en magasin, et avec ça faut payer la fabrication, la promo, les frais de studio, etc. En plus, si tu n'accompagnes pas ton disque d'un gros dispositif promo (affiches, stickers, articles dans la presse), les magasins ne prennent pas ton disque. Bref, faire du matraquage lobotomie publicitaire pour faire gagner des bénefs aux patrons des grands supermarchés "culturels", ça pose rapidement question.

Et toi, comment voyais tu tout ça ?

PariA : Moi j'ai toujours défendu une ligne dure, qui aurait été de fabriquer moins et de distribuer exclusivement par notre site et par quelques labels, distros, disquaires avec qui on s'entend bien et où on sait qu'il n'y aura pas d'abus niveau prix. C'est en tout cas ce qui a été fait avec les projets que j'ai apportés. C'est dommage qu'on n’ait pas su se radicaliser à ce niveau-là et qu'on n'ait pas pu montrer immédiatement que l'on fonctionnait de manière véritablement alternative. Le cul entre deux chaises, ça ne donne pas une image très claire, du coup la vision de pas mal de gens sur FZM est finalement assez floue et toujours très loin du compte.

FZM c’est donc au départ le label des Bérus : que représentent-ils pour toi ?

PariA : Beaucoup de choses. C'est le groupe qui m'a fait découvrir la scène punk dans les années 80 et qui, selon moi, avait le discours à la fois le plus positif, le tout teinté d'un réalisme et d'un désespoir qui me parlait. Survivre malgré la porcherie du monde... Personnellement c'est donc un socle de valeurs sur lequel je me suis construit et sur lesquelles je poursuis mon existence.

Au fait, où sont-ils et que sont-ils devenus ces Bérus : fanfan, loran, titi, masto,… ?

PariA : Et bien Fanfan est actuellement enseignant-chercheur, Loran poursuit la musique au sein des Ramoneurs de Menhirs, Masto a repris ses travaux photographiques, a intégré une compagnie de théatre et rejoint parfois Loran pour des apparitions d'Amputé ou des interventions dans des écoles, dans des prisons... Titi continue la musique avec son groupe "Trouble Juice", Laul sculpte la ferraille et éblouit régulièrement nos mirettes. Un livre reprenant la plupart de ses dessins, dont un grand nombre d'inédits, devrait voir le jour pour la fin de l'année. Jojo vit toujours en Belgique et évolue aussi dans le milieu musical. Bref tout le monde suit son bonhomme de chemin...

A la rubrique distro du site FZM, on trouve des « Diamond », des « Cœur de bœuf», des « Empereur Alexandre ». Tu peux nous expliquer comment en sont arrivés-là des sachets de graines de légumes ?

PariA : Très simplement. On a suivi le procès de l'association Kokopelli, qu'ils ont bien évidemment perdus - quand c'est l'Etat qui attaque et qui juge, difficile d'y échapper - et on les a contactés au lendemain du rendu du procès. On leur a proposé de distribuer de notre côté aussi les semences anciennes bio que l'état leur interdit de commercialiser dorénavant, un peu dans l'esprit de multiplier les points de résistance contre la politique agricole actuelle. Il faut savoir qu'il existe un registre des semences autorisées à la vente et que si tu vends des semences non enregistrées ou déclassées - comme les espèces anciennes que propose kokopelli - tu es hors-la-loi.
Juste pour info, il y a 6 espèces de tomates sur ce registre autorisé, Kokopelli en propose plus de 90... Voilà c'est la course au rendement, au lobbying des grands semenciers au détriment de la sauvegarde des espèces anciennes, du goût, des couleurs, de la forme. En un mot, de la biodiversité. Nous, on reste solidaires de ceux qui aimeraient bien pouvoir choisir ce qu'ils mettent dans leur assiette.

Sur le site, j’ai aussi trouvé la phrase : « La semence, c’est le début de la chaîne alimentaire. Celui qui contrôle la semence, contrôle la chaîne alimentaire et donc contrôle les peuples.” Qui a dit ça, et que penses-tu des grosses majors semencières - telles que Monsato - qui vont affamer le monde entier avec leurs semences OGM ?

PariA : C'est un gros problème, de la même manière que Nestlé essaye d'avoir le monopole de la bouffe pour bébé, avec les répercussions terribles telles qu'on a pu voir en Afrique. Je pense que c'est important que les populations puissent garder le contrôle et le choix de ce qu'elles mangent.
Dans nos pays occidentaux, on a tellement pris l'habitude d'acheter des produits déjà transformés, qu'on est complètement conditionnés aux choix agricoles décidés en haut-lieu. Le lait est un des pires allergènes et est très difficile à digérer pour l'homme - qui soit dit en passant est la seule espèce à boire du lait à l'age adulte, qui plus est, un lait non issu de sa propre espèce - et pourtant on en surconsomme à toutes les sauces...Je sais bien qu'il est très compliqué pour les populations citadines de revenir à un rapport à la terre, d'avoir son propre jardin et de re-comprendre comment poussent les légumes, les fruits, que ceux-ci se cueillent quand ils sont murs, mais il va bien falloir reprendre les choses en main, si on veut inverser la tendance...
Pour la phrase que tu cites, elle a été écrite par le président de l'association kokopelli, Dominique Guillet.

On trouve une rubrique « veganisme » sur fzm.fr. Cette démarche politique est-elle liée à un radicalisme musical ?

PariA : Pas uniquement. Il doit bien exister des vegans - végétaliens avec une approche politique de leur démarche - qui n'écoutent pas du punk. Mais la démarche vegan est aussi mise en avant par une bonne partie de la scène anarchopunk et/ou hardcore. Prendre conscience que ce que tu manges, comment tu t'habilles, comment tu vis, ça peut aussi avoir une incidence sur d'autres vies, et que la vie d'un animal n'est ni plus ni moins importante que la tienne. Ca représente aussi une alternative individuelle pour construire et évoluer dans un monde moins pire. C'est donc totalement logique qu'on retrouve une section veganisme sur la Distro.

Question idiote : comment se chausser quand on est un punk et vegan, donc sans doc martens avec du cuir ?

PariA : Déjà je pense que la paire de doc martens ne fait pas le punk. Elle est, tout au plus, un accessoire de mode, elle fait partie de la panoplie du parfait punk, mais ne reflète en rien la profondeur de la réflexion politique de la personne qui la porte. Et puis, à part être galère pour échapper aux keufs ou pour attraper ton bus, voire pour faire du vélo, ça n'a plus de réel avantage, l'époque des années 80 avec les combats de rue ou dans les concerts, c'est carrément un peu passé... Mais si vraiment tu tiens à porter une bonne paire de Doc's, il y a des tonnes d'imitations en cuir vegan - faux cuir donc - dispo facilement sur internet et/ou en magasin spécialisé. Peut-être qu'un jour on en proposera, qui sait ? Enfin je pense qu'il faut surtout que les gens se posent des questions sur le paraître, comment celui-ci est souvent contradictoire avec le verbe "être".

A propos de bottes, que penses-tu du mixage des styles « punk-musique trad bretonne » que Les Ramoneurs de Menhirs semblent avoir bien réussi?

PariA : D'un point de vue succès populaire, c'est mission réussie. Leurs concerts rassemblent autant les danseurs traditionnels bretons qui y retrouvent les rythmes habituels, que les agités du premier rang pour un pogo bon enfant. Le disque est un carton en Bretagne et la version vinyle qui vient de sortir est excellente également. Moi j'ai toujours accroché au mélange punk et folk, avec une petite préférence pour le celtique, comme on retrouvait ça déjà dans un groupe comme LTS, donc je suis pas très objectif en fait...

Ne crois-tu pas qu’il serait temps que d’autres rockers se réapproprient également leur folklore pour en faire du contemporain bien de chez nous ?

PariA : Il me semble qu'on a perdu cet aspect-là de la scène alternative des années 80-90. Il y avait une gouaille à la parisienne dans des groupes comme Parabellum, des mélodies campagnardes chez les Endimanchés, un son hispanisant avec Nuclear Device, des allusions déjà troubadouresques dans OTH - regarde ce que fait Spi aujourd'hui !-, les mélodies traditionnelles dans les morceaux des Bérus - vraiment perceptibles dans Abracadaboum-... C'était au sens propre, un véritable folklore de la zone mondiale !

Oui, mais tout ça semble bien fini !

PariA : Oui, derrière y'a eu un basculement avec une nouvelle scène à la recherche d'un gros son, souvent à l'américaine. Du coup ça donne un côté vraiment typique à ces vieux groupes que j'adore réécouter du coup ! Et qu'il est très difficile de retrouver ces accents "folkloriques" aujourd'hui, hormis peut être dans la scène bretonne ou comme l'avaient expérimenté les anciens de Kochise avec Mascarade.
Aux USA aussi, il y a une foule de groupes et chanteurs folk-punk à découvrir comme Mischief Brew, World Inferno Friendship Society, Can Kickers, Guignol, Mutiny, Bread & Roses... tous dispo sur la Distro en plus. Le monde est bien fait quand même !