interviou parue dans BEURRE NOIR 16 / mai 2009



Franpou, c’est pas un vrai nom ça ? Tu peux me dire d’ou ça vient ?


C'est la contraction de mon prénom et de mon nom François Poulain, ce truc a été trouvé par Steff Gotkovski (saxo de Pigalle + Garçons bouchers + Betty'z boob ), grand amateur de jeu de mot, ce surnom lui est venu très rapidement après m'avoir connu, et j'ai adopté, ainsi que tout le monde, ce pseudo bien pratique.

Je suppose que tu n’as pas toujours été photographe. A quoi te destinais tu quand tu étais jeune ? Par qui es tu arrivé à la photographie ?

Plus jeune je voulais être journaliste, et j'ai dérivé en école photo, certainement à cause de mon père qui développait lui-même ses photos noir & blanc.

Te souviens-tu de ta première photo d’un groupe en scène ? C’était qui ? Ca t’a fait quoi ?

Ma première photo de scène c'était The Batmen en septembre 1987, j'étais assez content car la photo était prise en contre plongée, tout le groupe était cadré et tous les zicos étaient net, malgré le peu de lumière *, j'avais eu de la chance, je me suis rendu compte plus tard, tant il était difficile d'obtenir une telle photo en lumière naturelle sans flash avec une bobine 400 ASA !
* (on trouve cette photo en page 95 du livre Scènes de rock en France, la date de la légende est fausse, je viens de m'en rendre compte à l'instant !! 16 ans après)

Tu es ensuite devenu photographe de la scène rock des années 80. C’est un accident ou c’est voulu ? Te sentais-tu à cette époque investi d’une mission de reporter ?

J'étais déjà fan absolu de musique avant de faire de la photo, j'écoutais du punk, new-wave, rock en tout genre et bien sur du Rock Français, j'étais fan de Starshooter, j'écoutais des radios comme RTH 99 Rock, La voix du lézard (Radio sur Paris) non stop, que j'enregistrais en K7 (je les écoute toujours aujourd'hui, je viens juste de terminer de les numériser sur CD), je jouais aussi de la basse de la guitare et du clavier dans des groupes et un jour à 2 km de chez moi la salle de concert Capsul'rock à Champs sur Marne (77) a vu le jour (j'y avais même joué pour un tremplin 1 an avant que la structure ne se monte réellement), je venais juste de rentrer en école photo, et le jour de l'inauguration je faisais mes premières photos (Grâce à Fabrice !) ensuite tout s'est enchaîné, la déferlante du rock indé Français, j'étais juste là au bon moment et cette mission de reporter (façon Stackanov) dont tu parles, je l'ai endossée avec un bonheur extrême !!

Quelle est à cette époque la bande son qui rythme ta vie ?

C'est la musique de la plupart des groupes qui sont dans le livre + une tonne de rock UK, US ou Australien, captés sur des tonnes d'emissions de radio différentes.

Quels sont tes plus grands succès photographiques, ceux qui te font dire que c’est vraiment bien d’être photographe ?

Mon plus grand succès, c'est d'avoir été reconnu par mon travail de telle façon que tous les concerts s'ouvraient à moi sur une simple demande, car mon plus grand bonheur c'était d'être au contact en bord de scène avec les groupes et d'en prendre plein les yeux et les oreilles !!

Dans les années 90, tu as sorti avec Max Well le livre « Scènes de rock en France ». Quelles étaient les intentions de ce livre ?

Au début, ce livre (sorti en Mai 1993) devait être un livre de photos live (uniquement) de groupes Français représentatifs de l'explosion de la fin des années 80 jusqu'en 1992, agrémenté de quelques légendes, mais Max-Well étant aussi prolixe à l'écrit que bavard à l'oral, les textes ont pris le pas sur les photos dont les tailles ont été considérablement réduites.

Pourrais-tu faire la même chose avec la scène rock d’aujourd’hui ?

Non je ne pourrais pas aujourd'hui faire un tel bouquin sur la scène actuelle car je ne suis plus aujourd'hui photographe de 2 salles de concert sur Paris (Capsul'Rock et le Fahrenheït).
Je suis installé à la campagne, donc je n'accumule plus comme à l'époque des archives en pagaille, des groupes qui déboulent de toute la France. Il faudrait de plus, comme nous l'avions fait en 1992 avec Max-Well, se déplacer dans tout l'hexagone pour photographier en session les groupes manquants (au début du projet je n'avais qu'un peu plus d'un tiers des photos du livre en stock, toutes live), tout ceci pour un coût et un temps très important. Sans un centime de subvention (je ne vois pas pourquoi ça changerait aujourd'hui) avec nos propres moyens, dans notre situation actuelle c'est tout bonnement impensable (on a pourtant tenté de remettre le couvert il y a quelques années, mais en pure perte !!)

Te considères-tu comme étant un élément actif de la mouvance rock ou comme un élément extérieur ?

Non absolument pas actif, mais j'ai retranscrit en photo Noir & Blanc argentique toute cette époque de l'intérieur.

Ca fait quoi d’avoir des photos que d’autres (moi par exemple) t’envient d’avoir dans tes books ?

Je ne sais quoi répondre.... ce sont surtout les autres qui m'en parlent.

Que te disent-ils alors ? Es-tu conscient d’avoir mis en boite et sur papier une partie de notre mémoire ?

Je suis effectivement conscient de ça et j'en mesure la chance aujourd'hui comme à l'époque et comme je l'ai dit j'étais juste là au bon moment (heureusement que j'avais la technique pour bien mettre en boite tous ces moments et bien les coucher sur le papier photo), je n'en tire pas de fierté particulière, mais je suis toujours ravi d'en discuter avec des interlocuteurs qui m'en parlent avec des étoiles et, ou des regrets dans les yeux et là je suis intarissable, je peux en causer pendant des heures, j'ai des histoires à la tonne à raconter.

L’arrivée du numérique a-t-elle été un bienfait pour TA photo ?

Non, le numérique a balayé le Noir & Blanc (ma passion), la photo couleur de scène m'a toujours ennuyé, " trop de couleur distrait le spectateur " disait l'immense Jacques Tati

Tu as d’autres noms (comme celui de Tati), qui t’inspirent ou auxquels tu fais référence quand tu photographies ?

Je suis né en 1966, mes premiers souvenirs d'images sont en Noir & Blanc (TV de l'époque), mon imaginaire en restera marqué à vie, pour moi ce noir et blanc c'est la simplicité, une sorte de vérité évidente, pas du tout élitiste ou snobinarde, une vision naturelle pour moi.
En tant qu'inconditionnel de The Clash, le déclic pour la photo de rock, live en noir et blanc s'est produit avec la parution de l'album " London Calling ", cette photo de pochette est une tuerie (Paul Simonon immortalisé au moment ou il va fracasser sa basse sur scène), elle me fascine encore 20 ans après et j'ai été happé par cette image, et je cours après depuis.
Pennie Smith en est l'auteure; cette fille je l'envie à un point que tu n'imagines pas, elle était sur scène lors de nombreux concerts du Clash, j'en suis jaloux à mourir (moi qui n'ai jamais vu le groupe sur scène, je ne parle même pas de l'avoir photographié).
Quand je pense qu'il a fallu une nuit entière au groupe pour la persuader de mettre cette photo au recto du LP... j'en reste muet.... elle était persuadé que cette image était trop floue et surtout trop recadrée, elle n'en voulait pas en couve telle quelle (elle était adepte de la photo sans flash, plein négatif non recadrée) comme on peut le voir avec les autres photos à l'intérieur de l'album.
Pennie Smith est mon héros photographique, mes photos sans flash sont toutes plein négatif sans recadrage, présentées avec un bord noir, comme elle le faisait (elle était loin d'être la seule), mais elle fut la seule à photographier le Clash et la seule à avoir mis une photo du groupe live en noir & blanc, sur un album studio qui plus est !!!
Le gros grain bien rond bien marqué que l'on retrouve sur cette photo de pochette, je l'ai adopté et je ne pourrai pas m'en passer (avec le numérique ce grain a disparu !).
J'adore cette fille, j'adore cette histoire, tout mon travail photo s'est construit sur les heures que j'ai passé à regarder cet album de mon groupe préféré avec sa couv et ses 2 pochettes intérieures, même si les photos étaient certes un peu floues (j'ai compris plus tard sur le tas, la difficulté de ramener des images plus ou moins nettes avec le peu de lumière disponible, surtout si le groupe est en mouvement perpétuel).
Les photos de Pennie Smith ont hanté mon imaginaire jusqu'à
aujourd'hui (même celles des autres groupes comme The Jam etc...).
A mon tour je pourrais dire à Pennie Smith " Es-tu consciente d’avoir mis en boite et sur papier une partie de notre mémoire ? ", j'échangerais bien tout mon parcours et plus encore contre le sien.....
Je n'ai pas d'autres référent qu'elle, j'apprécie en général tous les photographes qui travaillent en N&B, sans avoir un nom au dessus du lot en particulier.

Pour ce qui est du cinéma j'ai cité Jacques Tati car j'adore ses films ainsi que ceux de Charlie Chaplin et de Buster Keaton,
j'adore le cinéma en général (si je le pouvais j'irai au cinéma tous les soirs sans me lasser), mais je ne suis pas un intégriste du genre N&B et le cinéma en couleur me va aussi (contrairement aux photos live en couleur ), je suis particulièrement sensible, notamment aux films de Jim Jarmush, Wim Wenders, Michel Gondry, Tim Burton etc.

Aujourd’hui, quels sont tes projets photographiques ?

2 projets: je veux éditer une monographie de mes meilleures photos, avec une impression digne de ce nom (contrairement à l'impression du livre: Scènes de rock en France, qui a été une pure catastrophe) et ensuite monter une expo avec des tirages argentiques Noir & Blanc grand-format de plus d'un mètre !!

Comment imagines-tu ton futur de photographe ?

Si j'arrive à mener à bien ces 2 projets je pourrai peut être exposer par ci par là, mais en tant que reporter je n'ai aucune idée de mon "yes futur"!